Chapitre 4

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La douleur mit fin au sommeil de Til.

En place de sa paillasse habituelle, c'est sur la pierre froide que reposait sa tête. Son esprit embrumé eut bien de la peine à remettre en place ses souvenirs disparates. La Lune brisée, le garde ensanglanté, le manque d'énergie...

S'accrochant avec difficulté aux murs de pierre, il souleva son corps engourdi. Ses jambes tremblaient.

La seule source d'éclairage était une pâle lumière tremblotante, ce ne facilitait pas son inspection. Ainsi, son nouvel environnement l'accueillit d'abord avec des exhalaisons âcres de sueur refroidie, d'humidité et de moisissures. Les murs ronds, bordés de pierres calcaires phosphorescentes maladroitement agencées, lui apportaient juste ce qu'il fallait de lumière pour voir où il posait ses pieds. Til n'eut pas besoin de plus d'une vingtaine de secondes pour longer la totalité des murs. Ses doigts glissaient sur les briques maladroitement taillées. Aucune aspérité ne révélait les contours d'une porte.

Til espérait que sa famille se trouvait en sécurité dans leur appartement. L'idée qu'on puisse leur faire du mal lui était intolérable. Des images successives s'imposaient à lui. Son père et sa mère, deux êtres d'une douceur singulière, mais qui faiblissaient de jour en jour sous les coups de la vie. Sa sœur, Rev, serait la première à remarquer son absence mais elle n'aurait pas le temps de partir à sa recherche, occupée qu'elle à porter les corps des endormis du chantier à leur domicile.

Par cette discipline extrême qu'il avait acquise au fil des années, il dirigea le fil de ses pensées vers cet unique objectif : sortir d'ici. Dominant les battements de son cœur, il se contraint à faire un nouveau tour de la pièce. Le centre de la salle était particulièrement étrange. Une sensation de frissonnement parcourut sa peau. Il semblait qu'il n'y avait aucune lumière. Les rares particules lumineuses qui se dirigeaient en cet endroit, semblaient s'obscurcir brusquement, comme avalées. En observant de manière continue, on pouvait deviner une tache de ténèbres brumeuse, flottante, comme une flamme d'obscurité aux contours imprécis.

Til fit quelques pas vers la singularité. Sa marche était tirée par une force tranquille, comme s'il avançait dans le courant d'une rivière. En s'approchant, un objet presque indicible commença à apparaître. On eut dit un cocon obscur de la taille d'un poing flottant à quelques pas du sol et dans lequel des lignes de couleur dorée serpentaient, dessinant des spirales et des nœuds chaotiques. Til, hypnotisé par leurs mouvements, ne parvenait pas à en détacher son regard. Les frémissements s'intensifièrent. Des fils d'or semblèrent se libérer de la forme pour venir calmement enserrer ses membres. Leur contact lui fit le même effet que celui des bras aimants de sa famille. Sa peau frissonna et un sentiment de paisible chaleur envahit son être. Cette douce étreinte semblait l'enjoindre à s'approcher encore plus, à rejoindre ces spirales infinies dans une léthargie salvatrice.

Til secoua la tête. Les fils s'évanouirent. Il n'avait pas les idées claires. Il lui fallait trouver un moyen de sortir de cette pièce et cette manifestation ne lui disait rien de bon. Pourtant, ses pensées revenaient sans cesse vers cette sphère ondoyante.

Si tentante.

Il aurait pu jurer qu'elle avait gagné en volume,

Ses volutes internes continuaient leurs méandres.

Serpents de soie aériens, d'une douceur infinie.

 Ils dansaient, se déliaient, s'étiraient. Subtils et paisibles.

  Leurs têtes charmantes posées dans le creux de sa paume.

Jouant de ses sens comme des sirènes d'un autre monde.

Le cœur de la LuneWhere stories live. Discover now